jeudi 25 février 2016

MORTUARY - Nothingless than Nothingness




MORTUARY

Nothingless than Nothingness





Genre : Old-school Death Metal
Label : Gorgeous Production
Date : 18 Janvier 2016





Tracklist :
1. Only Dead Witness
2. Empty
3. Tube
4. Above
5. Pleasuffering
6. U-Man slept, K-os Crawled
7. Yesterday
8. K
9. Morbid Existence
10. Kingdom

C’est en grande pompes que Mortuary ouvre son nouvel album bien nommé « Nothingless than Nothingness », titre aussi éloquent qu’évocateur pour désigner un opus censé « revenir aux soucres », aux dires du groupe, sources qu’il a d’ailleurs connue, étant donné son âge déjà plus que respectable, opus censé surtout reconquérir son public à l’aide d’un death metal old-school tapageur, tout en fouillis et en riffs pesants, qui ne piétine pas pour autant sur les sentiers battus et rebattus. En effet, et je le développerai plus amplement, si les musiciens de Mortuary sont experimentés, ils ne sont pas paresseux, et explorent, voire redécouvrent ce genre parofois si restreint et puriste de l’old-school, particulièrement dans le cas du death metal, se plongeant dans les obsucres abysses tonales de guitares sous-accordées, et de la musique parée d’une dissonance noirâtre, les ténèbres des compositions entremêlées dans un fouillis inextricable de noirceur et de vide intersidéral.

Requérant une fois des parties boostées à la testostérone ultra-authentique de ce death metal old-school, s’apparentant tantôt à des séries d’accords de guitare terriblements dissonants, maléfiques et gutturaux, à la Morbid Angel (la graphie du label du groupe y ressemble d’ailleurs à s’y méprendre), tantôt à la sauvagerie inexpugnable d’autres formations plus orientée dans la brutalité et le gore, comme Déicide. Tout cela ne suffirait cependant pas à resteindre dans une case exigue des musiciens très capables dans d’autres genres, ces derniers le prouvent en incluant à leurs compositions de nombreux corps étrangers, qui s’hybrident au tout toutefois à la perfection : des périodes de marteau-piqueur côté percussions, l’instrumentiste martelant ses fûts prestement à la double pédale, oblitérant chaque minuscule fraction de silence au profit d’une percussion incisante, typiquement à la manière d’un batteur black; en passant par les reprises de cadence à une allure clairement plus empressée et thrashy, lorsque les mélodies haussent d’un ton ou deux, passant de l’initial registre monolithique et épais à un groove garage comme on l’aime, puant la sueur, la bière tiède et le mosheur dans ses fringues démolies. 
Comme si le groupe n’avait pas déjà enfoncé assez de portes comme ça, se multiplient les solos non pas possédés (et assez incohérent, voire bordéliques, enin du moins à mon avis lorsque l’on se penche sur nombre d’oeuvres de guitaristes célèbre dans le death metal), pour adopter une forme moins époustouflante, pour perdre ainsi le côté tape-à-l’oeil de nombreuses compositions pour gagner en éclectisme dans ses harmonies, mais rester très proche du registre et de la vitesse des riffs de guitares précédents. Ainsi, si ces solos ne se différencient pas volontairement du reste pour en mettre pleins les yeux des néophytes naïfs, encore en attente d’une idole puérile à vénérer - stratégie que nombre de guitaristes adoptent - ils restent très fortement achoppés au reste, renforçant encore en cohérence des compos déjà béton à ce niveau-là, tout ceci favorisant une immersion complète et intense. Les (ou le) musicien(s) se lançant dans des parties de tapping démoniaques et démentes pour soutenir les titres les plus sombres et dissonants (présents dans une cartaine majorité de l’oeuvre) montant au gré de son périple tritonal dans l’escalade de la rancoeur et de la véhémence ultra-violente; en passant tout aussi humblement par des solos plus complexes harmoniquement parlant, tissant d’infâmes mélodies mauvais et insidieuses très black, dans le titre « Above » par exemple; tout en sachant aussi quand et comment caser un magnifique solo rock entraînant qui fait taper du pied et vider les chopes de whishy tiède, dans le morceau « K » par exemple. L’album se compose en effet selon une construction censée et judicieuse qui vous fera oublier toute considération pleinement matérielle de cette oeuvre, chaque morceau étant (on peut le suggérer sans crainte de s’en douter) traité à part, minutieusement échafaudé et composé, et fera de l’album entier une discussion fusionnelle d’âme à âme, et non d’auditeur critique à musicien en performance qui s’empresse d’en mettre le plus dans un délai de temps le plus court possible.

C’est en fin de compte qu'après un hommage au death metal, cause que les musiciens Mortuary sert très savamment, un hommage à eux-mêmes. En effet, ayant grandi dans l’ombre de groupes de death/thrash metal (on l’a vu, le groupe sait se diversifier) français comme Loudblast, Agressor et j’en oublie sans doute des légions, Mortuary s’esquive au choix fataditique qui se pose souvent à ce genre de formations : passer à un format plus superficiel, plus « mainstream » pour agrandir son public maintenant que le groupe en a les épaules, ou sombrer dans l’ultra-authentisme, mauvais choix selon moi aussi, le groupe s’enterrant sous une bonne couche d’intolérance puriste portant préjudice à leur propre potentiel artistique. Il évite ainsi ce choix en conciliant les deux réponses en une seule, et constitue un sacré exemple pour toutes les formations déjà sur la route depuis quelques années, et dont la grande majorité multiplie les tentatives désespérées pour se raccrocher à sa part de succès et de fans.




- Pestifer




vendredi 19 février 2016

AN ARGENCY - Through Existence

AN ARGENCY



Through Existence






Symphonic deathcore
Date de sortie: 29 janvier 2016
Label: Indépendant



Tracklist:
1. Above The Ashes
2. Torturer
3. An Empty Shell
4. False Recognitions
5. Condemned
6. Sheltered
7. A Place To Rest
8. My Solace
9 The Final Conclusion






A chaque règle une exception. Bon peut-être pas toujours mais on fera comme si pour cette fois et puis, étant plus ou moins une sorte de dieu ici, du moins tant que c’est moi qui écrit, je dis ce que je veux. La règle, dans ce cas précis, c’est que le deathcore n’a jamais été ma tasse de thé (le thé non plus d’ailleurs mais je commence à m’y mettre, comme quoi…). Les lecteurs qui nous suivent depuis quelques temps le savent, si je trouve que le style se prête plutôt bien au live, l’affaire est tout autre sur album. Trop répétitif, peu de groupes ayant une démarche originale, un gros son qui sert plus souvent de cache-misère qu’autre chose, du break-down à la pelle… Mais cette fois, j’ai vraiment apprécié ce que j’ai entendu. A se demander si une autre règle n’impliquerait pas que ce qui vient de Biélorussie est bon par essence, peu importe le style. Parce que oui, An Argency déboule de Minsk comme pas mal de groupes déjà chroniqués ici (Infestum, Challenger Deep ou Dialectic Soul pour en citer quelques uns). Alors pour cette fois, un petit écart à notre ligne habituelle ne fera pas de mal.

Through Existence est le premier album du groupe et ce qu’on peut dire de prime abord, c’est que le quintet s’est remué le train pour en venir à bout. Formé en septembre 2015, An Argency sort son 1er single, "An Empty Shell" après quelques semaines à peine. On sent déjà le groupe qui en veut et d’ailleurs il ne s’arrête pas là et continue sur sa lancée et, début 2016, l’album complet est déjà dans la boite. L’album bouclé, c’est au tour d’un clip d’être diffusé début février. Si ça, c’est pas du dévouement… Tout est fait semble-t-il de manière indépendante, bossé dans le détail, accompagné d’une pochette assez chiadée et avec ça, les membres semblent particulièrement jeunes à en juger par les photos promos. Dans le genre 1er album pondu en à peine quelques mois, j’ai beau cherché, je ne vois franchement pas qui peut se targuer d’en avoir fait autant avec un résultat aussi abouti. Autant de bonnes raisons de mettre un coup de projo sur An Argency donc, même avec notre faible audience.

Soyons honnête, personne ne tombera de son siège d’étonnement à l’écoute de Through Existence. An Argency ne réinvente pas le deathcore, il évite juste les écueils et erreurs de débutant inhérents au style et c’est déjà beaucoup. Cette demi-heure envoie du lourd à grands coups de rythmes syncopés et de gros riffs qui butent dans le grave, rien de bien nouveau là-dedans. Ce qui m’a séduit au final chez cette jeune formation, c’est plutôt la construction des morceaux, bien mieux pensée que chez la plupart de leurs collègues. Point de surenchère inutile ici comme je le déplore trop souvent bien au contraire, les compositions coulent de source, les breaks et autres artifices propres au deathcore sont plutôt bien amenés et si le style ne se prête pas aux prouesses techniques, il n’empêche que le tout se révèle diablement efficace. Sans aucun doute car An Argency dispose d’un vocaliste convaincant, distille quelques idées extérieures, un riff melodeath ici, un autre plus thrash là, et surtout bâti ses morceaux autour de samples qui ne quittent jamais le spectre sonore et habillent tout l’album, lui permettant de s’aérer, de mieux rebondir, de prendre de nouvelles directions plus dramatiques, épiques, planantes, brutales… au choix! Dès qu’un groupe mise sur l’aspect symphonique, 2 questions me viennent immédiatement. Cela sert-il de cache-misère comme j’en parlais plus haut et sinon, l’utilisation que le groupe en fait est-elle pertinente? Je soulignerais ici que le groupe n’en abuse pas même s’il ne s’en sépare jamais complètement. Le dosage est plutôt bien équilibré et le symphonique ne prend le dessus qu’à quelques moments clés intelligemment choisis se contentant sinon de rester en background afin de mieux développer l’atmosphère générale.


Un groupe aussi jeune et qui bosse aussi vite avec un résultat aussi abouti sera forcément attendu au tournant qui n’en doutons pas, arrivera bien vite. Au delà de tout ça, nous assistons en tout cas à ce qui sonne comme un véritable effort de groupe sur une bonne demi-heure bien dynamique. Etant donné que le deathcore me cause plus dans sa version live, je me demande en tout cas de quoi ce groupe est capable sur scène. Affaire à suivre.




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jeudi 11 février 2016

DEATH FETISHIST - Whorifice



DEATH FETICHIST


Whorifice






Genre : Black/Doom Metal
Label : Debemur Morti Productions
Date de sortie : 1er Février 2016







  La folie peut prendre de nombreuses formes et elle vient montrer, avec « Whorifice », une de ces facettes les plus rampantes. Boueux, souillé, chaotique sont des qualificatifs que l'ont pourrait plaquer sur le premier EP de Death Fetishist, énième projet de Matron Thorne (Ævangelist, Benighted In Sodom, Andacht entre autre) et G. Nefarious (Panzergod et Blut der Nacht entre autre également). Quand on connaît ce qu'à pu nous pondre le premier monsieur, on ne peut qu'espérer que de la qualité, Matron Thorne semble ne pas vouloir se répéter dans ses projets, c'est donc une nouvelle facette de la musique noire qui est abordée. Une nouvelle fois, une musique chaotique et hallucinée, à l'instar de ce qu'on a pu entendre dans Ævangelist, mais cette fois moins agressive et bien plus lourde.

Fait de simplement deux pièces, ce premier EP a tout de l'hallucination lovecraftienne tant il est monolithique. A la jonction entre Doom et Black Metal avec quelques relents de Death, Death Fetishist ronfle et tourbillonne à grand renfort de tempi lents à riffs répétitifs. Sabaxius me vient en tête, quelque part on retrouve ici le même genre de dynamique sur certains passages (moins exagérément hein, Sabaxius c'est parfois 10 minutes pour un riff), c'est à dire une mélodie lead lourde portée par la guitare sur laquelle viennent se greffer de petites variations. Répétitif peut-être un peu, mais hypnotique et surtout pas lassant. « Whorifice » est cohérent tout au long des vingt deux minutes qui le composent, entre dissonances et riffs bien doomie, Death Fetishist pose son jeu avec cet EP. Si au premier abord, certains riffs semblent déjà entendus, c'est sans compter les variations de rythmes, les arpèges malsains de second plans et les changements sorties de nul part qui viennent prendre au dépourvu et créer la vraie ambiance de l'album. Dans le tumulte grave, il y a ces notes dissonantes qui persiflent le chaos et le mal à l'oreille de l'auditeur déjà subjugué. Le groupe se décrit comme psychédélique mais je dirais plus « halluciné », car si psychédélique Death Fetichist l'est bien, cette dimension horrifique intrinsèque à sa musique rend le tout bien plus oppressant et d'apparence sans contrôle. C'est pourquoi je lui ai attribué plus haut cet adjectif devenu beaucoup trop commun de « lovecraftien », dans l'indicible, le fou, l’imprévisible qui je pense sont des termes qui peuvent définir la musique que le duo nous propose avec son premier EP. Imprévisible est un adjectif qui peut également coller au jeu de la batterie, elle m'a parfois paru en décalage sur certains passages, un break à la guitare et la batterie qui s'emballe, mais au final cela ne fait que renforcer cette impression chaotique. Son jeu diversifié et fou se laisse apprécier au cours des minutes et des écoutes suivantes. C'est de petits détails comme ça que se forgent les bonnes sorties. Peu de chant sur ces deux pièces, il n'y en a d'ailleurs que sur la première, mais quelle prestation ! Véritables mugissements tempêtant par dessus l'orage, supporté par quelques effets leurs donnant une profondeur du plus bel effet. Pour « Lust/Servitude », le second morceaux, le chant à été remplacé sur les premières minutes par un sample féminin murmurant des plus intriguant. 
Quel maîtrise de l'ambiance pour ce premier EP, aucun faux pas, aucun accroc malgré une musique à l'aspect bigarré. « Whorifice » est d'un noir mat et compact, semblant presque vivant, animé par une force malsaine. Malgré les nombreuses écoutes que je lui ai fait subir, l'EP continue de me happer dans ses eaux troubles, et n'est jamais lassant malgré ses longs riffs. Car c'est cette répétition qui apporte cette transe morbide et hypnotique, là est l'un des aspect du psychédélisme de ce « Whorifice ». Vingt deux minutes d'oppression, de malsain, de cacophonie mortifère porté par une prod' étouffante, que du bonheur. 

Rares sont mes chroniques où aucun mot négatif n'a été écrit, mais il faut avouer que Death Fetishist a placé la barre bien haut dès le début. A voir maintenant si le groupe tient le coup sur un long format, qui si j'y bien compris est prévu pour bientôt. Mais quoi qu'il sen soit, « Whorifice » est clairement une réussite, prouvant encore pour ceux qui en douterait que Matron Thorne est passé maître dans l'art de faire sortir de son esprit ces monstres de bizarrerie et de noirceur que sont Ævangelist et Death Fetishist. Clairement la grosse claque US de ce début d'année et je ne semble pas être le seul à le penser puisque le duo vient de signer chez Debemur Morti Productions à l'heure où j'écris ces lignes. 

- Sarcastique