jeudi 24 septembre 2015

COLD NORTHERN VENGEANCE - Maelstrom


COLD NORTHERN 
VENGEANCE

- Maelstrom


Genre : Black Metal
Label : Moribund Records
Date : 30 October 2015





Tracklist : 
1. Pierced by the Tree
2. Seeker of Secrets
3. Eye of the Storm
4. Waxing and Waning
5. The Darkness of Once Was
6. Paradox






Comme je m’y prend à penser souvent, les groupes les plus intéressants sont (presque) toujours ceux qui possèdent des thématiques allant de pair avec leur production musicale. Un tel ou un autre peut certes user de sujets habituels et aboutir à une oeuvre bonne techniquement parlant, voire très bonne, mais cela passe rarement au-dessus. Non, là où la musique peut devenir instinctive, virtuose à en ficher la chair de poule, spontanée dans son excellence, quasiment parfaite, atteindre une niveau éblouissant dans la symbiose de ses compositions au message, à la revendication, bref, à ce qu’on pense en plus de ce qu’on fait, c’est toujours, toujours quand la formation s’est un peu plus investie qu’uniquement de ses petites mains, et s’est décidé à user aussi de sa ou ses têtes, de sa connaissance, pour revêtir sa musique de savoir, de sens finalement, et de faire d’une simple mélodie une réflexion philosophique, ou une peinture évocatrice qui vous poussera à la même.

C’est là qu’on commence à reprendre, et pas moi le premier bien évidemment (eh oui, un gouffre d’antimatière a aspiré le blog ces derniers temps, avec une véritable désertion de ces satanés chroniqueurs, toujours occupés à se tourner les pouces !) et aujourd’hui avec Cold Northern Vengeance, un groupe qui n’est plus sans réputation, un nombre de démos et de splits qui commencent à se bousculer au portillon, et ce second album longue-durée, Maelstrom, mesdames messieurs, musique ! 
Si le CD ne commence que par la clameur des mouettes, le souffle des embruns et le bruissement des vagues, un discret chant d’une sirène se fait de plus en plus fort, cette partie sinueuse et retorse de guitare marquant le véritable départ de la formation, qui ouvre un peu plus tard sur une mélodie black magistrale et évocatrice, comme on en a l’habitude d’en voir, au clavier d’y rajouter son grain de sel avec une mélodie doucereuse et argentine, et au chanteur de déblatérer sa harangue mélodieuse en chant clair, soulignée et accentuée par ces dames à 6 cordes usant jusqu’à plus soif d’harmonies très courtes répétées deux ou trois fois, pas plus, et donner un parfum de raréfaction et d’authenticité à ce mélange qui sait déjà s’imposer après quelques minutes d’écoute.
Malgré les premiers titres qui ont du mal à se concilier et à être cohérents entre la fin des uns et le début des autres, et une certaine réticence à se plonger totalement dans le monde dont elle détient les clés, Cold Northern Vengeance se retrouve toujours d’aplomb pour son développement, et délivre au cours de son album, outre un riffing plutôt linéaire et régulier, en particulier en ce début de l’album, les guitares au départ très classiques, se distribuent très vite les rôles pour en arriver à un jeu complexe de questions et de réponses, aiguisant sans relâche ses pics de grandiloquence épique et de transportements virtuoses, développant une surenchère lyrique de plus en plus enflammée à, l’une s’engageant tandis que l’autre se retire, pour que cette dernière se ménage au mieux une entrée éblouissante à sa prochaine intervention, les différentes harmonies qui se chevauchent donnant un mélange qui commence à prendre du sens et une saveur digne de ce nom, la gifle des embruns se mêlant aux jets d’écume, dans une tornade grandiose d’éléments déchaînés, alors que le ressac malmène et désoriente toujours plus un auditeur exalté et convaincu. Alors que certains ralentissements apparaissent régulièrement, en induisant un certain suspens qui avance pas à pas, au tempo des arpèges conspirateurs et des exhortations du vocaliste, que la mer semble se retirer enfin, c’est toujours pour que le groupe reprenne de plus belle quelque instants après, et qu’une immense lame de fond émerge, celle qu’on craignait, qui risque définitivement de faire chavirer la dernière chaloupe, matérialisée par les solos hurlants et lancinants de guitare dont ses notes vrillées finissent par s’éteindre dans le vent hurlant.
Si d’ordinaire je trouve la présence de claviers très malvenue, ceux-ci étants souvent très mal utilisés (à l’humble avis de votre serviteur), Heathen réalise toutefois ici un coup de maître, en gardant souvent celui-ci en réserve, parsemant discrètement ses compositions de mélodies ou d’accentuations harmoniques en second plan, comme un murmure tentateur lancinant, qui résonnerait au creux des vagues et au-dessus de l’écume, pour lui faire donner de la voix aux instants les plus judicieux, en envahissant les parties principales pour faire entendre ses accords majestueux, grandioses et imposants, à en inspirer la vue d’une mer démontée et des cieux tourmentés et grondants qui la surplombent. 
C’est cependant sans le chanteur que la formation peinerait réellement, ce Neptune fait ténor dictant son amer réquisitoire, à grand renfort de chuchotis fantomatiques et de malédictions si sincères, presque lasses par moment. Son chant clair est d’autant plus bien utilisé qu’habituellement dans le metal (n’en déplaise aux adeptes de sympho, mais admettez que c’est plus une excuses pour se maquiller en princesse et chantonner d’une voix criarde, heureusement déguisée par une prod commerçante), dans une mélopée empreinte de noblesse et de tragédie, comme s’il interprétait le discours de l’horizon marin et des flots gris. C’est en plus de la poétique des étendues océaniques - qui est du plus grand effet et va de pair avec ce genre de musique-là - que le message va bien plus loin, en effet, mieux que de le décrire, Cold Northern Vengeance se place en tant qu’émissaire de l’océan, c’est par sa bouche que retentit le cri d’agonie de cet être suprême, bafoué et incompris à jamais, à la fois incarnant rêve féérique et malédiction pleine de danger pour nos yeux humains, trop humains peut être.
Parce que oui, si Cold Northern Vengeance s’est définitivement tourné vers des thématiques marines, c’est une mer tourmentée qui est dépeinte, agitée, en proie à la confusion d’une entité sur le déclin, prêt à passer de l’autre côté du gouffre, celui des mystères de l’inconnu, du passé, et surtout de l’amertume, à vous en laisser un méchant goût salé sur la langue. Son chant, c’est celui du vent qui hurle sur la crête des vagues, engagées dans un assaut inlassable, brisées sans cesse puis reformées, sa guerre c’est le siège des éléments contre celui qui se trouve sur la berge, l’Homme bien sûr, qui découvre les mers inexplorées sans connaître son propre coeur, ses coups de butoir, les lames de fond, sa diatribe le grondement du tonnerre inapaisé, ses griffes ses flots glacés, écumants et tourbillonnants, et son courroux les tempêtes en furie.
La formation réussi en somme un procédé singulièrement brillant : tandis qu’elle s’appuie en premier sur la base d’un genre qu’elle maîtrise pour le moins excellemment, elle l’a montrée maintes et maintes fois dans ses sorties (et le clame à nouveau dans cet album aujourd’hui), elle brigue en second la main d’un auditeur qui était déjà convaincu, avec ces thématiques sur lesquelles je me suis étendu, pour lui en foutre définitivement pleins les yeux, à lui taper dans l’oeil au premier regard sur la pochette, puis lui remuer les tripes de fond en comble tout au long de l’écoute de « Maelstrom », une galette d’une qualité facilement incontestable.

- Pestifer












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