vendredi 23 octobre 2015

KYY - Travesty of Light


Kyy


Travesty of Light







Genre : Black Metal
Label : Saturnal Records
Date : 17 août 2015


Tracklist : 
1. Death - The Great Liberator
2. Everlasting Fire
3. Immaculate Serpent King
4. Travesty of Light








C’est en ce mois d’octobre de plus en plus grisâtre et venteux que je chronique (certes un peu tardivement) la formation finlandaise prénommée Kyy, passée un peu inaperçue à sa sortie, attend toujours son heure, prête à nous faire partir pour un voyage qui s’annonce pas des moindres, avec cette pochette monochrome, et l’évocation par son nom à la virulente vipère et son mortel venin, celui qui nous menace tous, oeuvrant à nous faire sombrer dans les profondeurs de la mort.. ou des ténèbres, à eux d’en dire plus.

En commençant la lecture de l’album, on peut déjà flairer le coup d’éclat en approche : à l’aide d’un intéressant cocktail de black sinueux et d’un thrash mesuré, et de curieux pas non moins savoureux instant très rock’n’roll, Kyy s’arme déjà suffisamment pour attirer l’attention, et c’est son talent à développer sur une période plus longue qui va jouer : tel un étau qui se resserre de plus en plus, les instruments se font toujours plus pressants au fur et à mesure que les titres et le minutage défilent. Au départ des accords dissonants au débit assez lents, les envolées rythmiques tout autant qu’harmoniques se mutiplient, le batteur battant toujours plus rageusement ses fûts, tel un sanguinaire zélote qui se prendrait de passion à l’accès de sauvagerie auquel il se livre, et qui va sans cesse repousser ses limites, jusqu’à aller au bain de sang orgiaque défiant l’imagination et le peu de santé mentale qu’il peut rester à un pareil homme. 
Ce genre de partie finit souvent par succéder à des moments beaucoup plus lents, le chanteur cessant son débit de malédictions acharnées par lançer des invocations viscérales, tel un orateur qui tomberait de fatigue au fil de sa harangue, mais que seule son implacable volonté et son indicible fureur porterait, suivis par de pesants battements, si moins nombreux bien plus accentués du côté de la batterie, et des down-tempo qui frise l’arrêt total chez la guitare, qui descend dans des tréfonds harmoniques de son instrument (sans doute désaccordé à n’en plus pouvoir) pour bien souligner ces ralentissements. Ce procédé là a cependant bien plus un rôle dans le contrepoint, la diversion qu’il fournit que dans sa qualité propre, dans le but de surprendre l’auditeur la seconde où il se termine, en relançant l’allure, en la maintenant, voire en l’accélérant toujours plus (comme je l’ai déjà décrit). 
Toujours moins suggestifs et plus vindicatifs, les musiciens laissent la patience de côté pour poser réellement leur réquisitoire en bonne et due forme, réquisitoire dont l’accusé ne peut se défiler, entre les blasts guerriers du batteur qui ne laissent plus d’échappatoire, les guitares qui, à grand renforts de polyphonies évocatrices, et des cadences plus rapides et plus thrash, même punk ou rock’n’roll, serrent la visse continuellement et confine les émotions de plus en plus explosives dans un espace de plus en plus saturé et tendu, et posent le décor, peu enclin au pardon et bien plus aux menaces, à la violence et aux ténèbres, seulement tranchées par l’éclat de la lumière blanche et crue, la lumière qui blesse le yeux de celui qui l’a trop longtemps évitée, pour laisser la place d’honneur au chanteur : celui-ci en effet exprime le plus explicitement cet aspect péremptoire, accusateur et intimidant de l’album. Il laisse ses réclamations acerbes, étayées à grand renforts de persiflements rageurs et de malédictions hargneuses, d’une voix sèche, rauque et rocailleuse. Il se fait le légitime tribun de cette bien sombre formation, interpellant son auditeur sans relâche.
Sa hargne s’effiloche parfois, se brise et trébuche, pour faire apparaître désormais non plus de la haine, mais une intense souffrance : c’est bien le cri de haine mêlé de jalousie et d’admiration de la bête en fermée au fond d’un trou obscur à ses maîtres impitoyables, sourds à toutes demandes d’aides. Les ténèbres lui ont été imposées, mais elles lui serviront d’armes contre ceux qui l’y ont obligée, Kyy arrive en effet souvent à un point bien plus aérien, virtuose, où des sentiments hermétiques et percutants comme ceux décrit avant disparaissent, pour ne laisser que les restes calcinés et meurtris du précédent incendie. Des moments donc, bien plus judicieux à l’expression de sentiments plus complexes et fins que dans ses instants les plus colériques, comme un très certaine mélancolie dans « Immaculate Serpent King », voire une noble dignité au coeur l’anéantissement total dans « Travesty of Light », qui finissent par émerger au-dessus de toute cette rage noire, cette virulence qui se mue en amertume au fil des mesures, ce furieux refus en solennelle marche vers la mort.


La formation finlandaise, par sa capacité à serrer l’étau sans discontinuer, tendre et assombrir par la rage toujours plus les riffs de son morceau, revêtir jusqu’à l’ordre de ses parties et leur virtuosité de sens, peut facilement prétendre à la case de l’excellence. Tout en sachant pertinemment avec quoi elle joue, et en jouant très très bien, on l’aura vu, avec le peu qu’on nous présente ici (eh oui, le seul problème de cette oeuvre est sans doute sa durée, mais pour une première sortie, on ne peut pas demander la lune,) on redoute déjà l’éclatement violence qui finira par arriver, parce qu’il arrivera dans les albums suivants s’il n’est pas déjà passé - à chacun de juger -  et il ne fera pas de quartier, à en voir la virulence de ses prémices, tout ceci démontrant une très certaine maîtrise du genre, le groupe sait toutefois tirer la couverture en évitant de se faire embobiner par les codes du domaine qu'elle utilise, et de se placer en porte-voix déjà entendu maintes et maintes fois. Kyy ne se laisse pas démonter et va jusqu’au bout de ses thématiques, les faisant tout honnêtement ressortir dans sa musique et sa structure, et pose sa foule de questions, intéressantes, et même nécessaire à se poser pour nous autres, qui nous plaisons tant à nous prétendre adeptes, témoins, ou simples amateurs des manifestations des ténèbres, n’y appartenons nous pas tous, même pour les plus naïfs et « immaculés » justement, de notre espèce, pas un peu ? L’obscurité nous menace t-elle, est-elle au contraire la porte de secours de nos coeurs décidément bien tourmentés, ou sommes-nous depuis déjà bien longtemps dans son giron, tous autant que nous sommes ? 







- Pestifer






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