mercredi 5 août 2015

MALADIE - ...Still...

MALADIE




...STILL...







Avant garde black metal
Date de sortie: 6 mars 2015
Label: Apostasy Records



Tracklist:
1. Demutatio
2. Agnitio
3. Inexistentia
4. Asperitas
5. Abdico
6. Discrepantia
7. Circuitus
8. Semivivus
9. Evigilantem








Un nom des plus menaçant et en français s'il vous plait, une pochette horrifique tirée des cauchemars d'un hypocondriaque schizophrène en crise, une étiquette de "plague metal" et des titres qui ne m'évoquent... absolument rien... Un coup d'oeil et line up et surprise, pas moins de 9 musiciens dont l'inénarrable Déhà (Clouds, We All Die (Laughing), Vaer, Merda Mundi etc...) et des musiciens certes moins connus mais néanmoins des plus actifs outre-Rhin sortis pour la plupart de la scène death metal voire franchement brutal death (Tombthroat, Deadborn, Spheron, Dawn Of Disease...) et même un saxophoniste... tout porte à croire au premier abord qu'on a affaire là à un sacré OVNI.
Rien à voir donc avec un black metal dépressif et lancinant comme pourrait le suggérer le seul nom de la formation mais plutôt une sacrée formule chimique et musicale destinée à répandre une vague de contamination incroyablement agressive dont la base black metal reste des plus virulentes mais sur laquelle viendrait se greffer pléthore d'éléments extérieurs pour en décupler les principes actifs. Une sorte de délicieux poison si on peut dire, une terrible drogue dont l'addiction ne promet rien de très bon augure, mais qu'on ne peut s'empêcher de prendre tout en augmentant le dosage à chaque prise, la laissant nous enserrer jusqu'à l'étouffement.

Maladie est donc ce genre de groupes que l'on classe habituellement dans la case progressif / avant-garde, style parfois insaisissable qu'il est souvent difficile de décrire avec de simple mot. ...Still... mérite au moins que j'essaie tant cet album est époustouflant. De maîtrise tout d'abord, la formule chimique dont je parlais plus haut tient peut-être sur le papier plus d'une expérience d'apprenti sorcier, il n'empêche que cette Maladie nous emmène là où il veut nous emmener y compris sur ses 2 pièces, les plus longues (30 minutes rien qu'à elles quand même). C'est indubitablement elle qui a le dessus et tous les remèdes de grand-mère n'y pourront rien. Le mal est pernicieux, vicieux, sournois. Il se fait beau et aguicheur et attire sa victime par de douces ambiances au piano ou en usant d'un magnifique chant clair aérien et de chœurs religieux. Mais prenez garde quand celui-ci décide de frapper pour de bon, il ne vous préviendra pas et la déflagration est plus que brutale. Démarrages en trombe, cacophonies organisées en assauts ultra-rapides doublés de claviers majestueux, les mélodies virevoltent et se mélangent, toujours si imperceptibles, le batteur blast comme une crise de tachychardie chez un type déjà shooté au speed et aux amphets, des tremolos s'envolent, le chant clair prend de la hauteur tandis qu'une voix black stridente hurle à la mort dans le fond et les instruments s'ajoutent et se superposent sans cesse jusqu'au climax. ...Still... se poursuit ainsi, alternant inlassablement ses plans complètement barrés et imprévisibles, eux mêmes piochant allègrement dans à peu près tout ce que le metal extrême peut compter de sous-genre mais nous y reviendrons, et pièces instrumentales plus classiques douces et séduisantes, souvent mélancoliques mais aérant un peu l'espace, laissant entrevoir un semblant de guérison au loin, le tout en multipliant les techniques vocales (2 chanteurs ça aide) et même en se permettant quelques mots en français. Certains de ces changements sont si brusques qu'ils en deviennent proprement hallucinant, à se demander si on ne risque pas le coup du lapin en passant l'album trop fort, l'enchaînement entre "Inexistencia" et "Asperitas" en est le parfait exemple, lorsque les touches d'un piano tout juste effleurées pendant plusieurs minutes laissent placent en l'espace d'une micro-seconde à de la sauvagerie pure.
Si l'on enlève les quelques interludes (fort bienvenues), les morceaux sont plutôt longs et l'on pourrait s'imaginer après ma description que le contenu très dense de ces derniers jouent en leur défaveur. Il n'en est absolument rien. Les compositions sont effectivement très alambiquées voire complètement destructurées mais elles sont de ce fait tellement variées que malgré leur longueur elles restent absolument passionnantes et chaque nouveau plan est une découverte comme en témoigne l'intégration aussi parfaite qu'inattendue de ce saxophone qui vient taper le solo ou nous offrir une superbe prestation digne d'un film noir des années 40 sur le dernier morceau. Aussi répugnant que soient les aspects les plus extrêmes de cette Maladie,  ces compositions sont véritablement belles. ...Still... est en réalité un album théâtral au possible où chaque instrument, chaque musicien et ce même s'ils ont 9 a parfaitement sa place et son rôle à jouer. Il y a là un véritable effort de groupe où tous sont audibles et où tous apportent leur touche personnelle. Des deux vocalistes et leur chant parfaitement maîtrisé et très prenant qu'il soit clair ou non, aux guitaristes issus de formations à mille lieux de l'univers de Maladie qui parviennent à glisser des riffs thrash, death et même tech-death en passant par le batteur qui accompagne le tout avec dextérité ou Déhà et son apport indéniable aux claviers, nous sommes finalement bien loin de ce groupe de l'Iowa dont la moitié ne sert à rien (no offense... mais, quand même). Celui qui cherchera à décortiquer ces compositions aura fort à faire et moi-même, j'aurais essayé et je ne suis pas sûr d'avoir ne serait-ce qu'effleurer la surface.

Grand amateur d'avant-garde (du moins lorsqu'il est fait avec goût et ça... c'est plutôt rare malheureusement) que je suis, je n'ai pu qu'être emballé par cette oeuvre ...Still... est sans le moindre doute un album que je place dans mon top 2015 jusque là et je ne doute pas qu'il y restera pendant un bon moment. S'il y a parmi mes lecteurs des gens qui se sont trouvés sensibles à ce qu'avait fait Voices en fin d'année dernière, je ne saurais que trop leur conseiller d'écouter cet album. En revanche, cette expérience n'est totale que si elle est menée de bout en bout d'une traite. J'ai entendu dire que la version promotionnelle tenait en une seule piste et honnêtement, je suis un peu déçu qu'ils n'aient pas gardé ce format car je ne vois pas d'autre moyen de savourer ...Still... et son univers hostile et imprévisible. Après un Plague Within plus centré black mélodique et moins extravagant, je ne peux qu'être curieux quant à la direction que prendra Maladie par la suite, si tant est que le line up reste inchangé ce qui est assez improbable au vu de l'implication dans d'autres projets de ses membres et du fait qu'ils soient 9. En tout les cas, il ne manque plus grand chose pour que la Maladie devienne une véritable épidémie.


...Still... est disponible en version digipack ou double LP limité à 100 exemplaires (attention, déjà plus que 8!).









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