dimanche 3 août 2014

THE GREAT OLD ONES - Tekeli-Li

THE GREAT OLD ONES


Tekeli-Li




Post-Black metal
Date de sortie: 16 avril 2014
Label: Les Acteurs De l'Ombre



Tracklist:
1. Je Ne Suis Pas Fou
2. Antarctica
3. The Elder Things
4. Awakening
5. The Ascend
6. Behind The Mountains







"Je ne suis pas fou." C'est sur cette phrase que débute Tekeli-Li, comme la nouvelle dont il est inspiré, Les Montagnes Hallucinées par H.P. Lovecraft. La nouvelle relate l'histoire d'une expédition en Antarctique. Allant d'une découverte à une autre, l'expédition va connaître une véritable descente aux enfers, dont le cadre est une immense chaîne de montagnes, habitat d'une ancienne civilisation puissante de créatures inconnues de la science, les Grands Anciens. Comme je le disais dans la chronique précédente, je ne suis pas un spécialiste de Lovecraft. En réalité, c'est cet album qui m'a décidé à m'y mettre. Le voyage, autant littéraire que musical fut saisissant.

The Great Old Ones est un groupe bordelais formé en 2009 avec en tête le projet de mettre en musique le mythe Lovecraftien. Remarqué assez rapidement par Les Acteurs de l'Ombre, il sort son 1er album Al-Azif en 2012, annonçant des débuts prometteurs et plutôt bien reçu des critiques et du public mais malgré tout confidentiel. Sorti mi-avril, Tekeli-Li (qui est le son émis par les Shoggoths, création monstrueuse des Anciens dans le but d'en faire leurs esclaves) est une véritable opportunité pour le groupe. Marquant l'essai musicalement, il semble aussi lui offrir une bien meilleure visibilité.

Décrire la musique pratiquée par The Great Old Ones n'est pas une mince affaire. Si l'on retrouve effectivement tous les éléments qui peuvent composer un groupe de post-black metal, Tekeli-Li va bien au delà, peut être par une approche plus brutale, sans pour autant réellement se rapprocher d'un black metal pur. Ce que l'on retiendra en tout cas, c'est que le concept est particulièrement travaillé et mis en avant de manière remarquable. Que ce soit les narrations reprises de la nouvelle (l'intro ainsi qu'à divers moments clés) ou les instrumentations, ambiantes, glaciales et angoissantes tout à la fois, l'album est doté d'une cohérence rare. Comme chez Lovecraft, où le lecteur avance pas à pas aux côtés du professeur William Dyer notant le moindre indice, trépignant d'impatience pour connaître enfin l'horrible vérité, l'auditeur de Tekeli-Li n'est plus véritablement maître de lui-même. Il se laisse emporter dans la tourmente, le froid cinglant des riffs, le vent le fouettant sans cesse au moyen de subtiles lignes montant crescendo en background, les falaises abruptes de ces montagnes gigantesques répercutant la lourdeur de la section rythmique... Le paysage effrayant et fascinant est parfaitement décrit et rien n'est laissé au hasard, l'écoute de cet album dans des conditions optimales est une réelle expérience.
Le concept est si réussi qu'il m'est impossible de détacher un morceau en particulier. Il faut dire que les compositions sont toutes longues (si ce n'est l'introduction, elles dépassent toutes les 7 minutes) et pour autant aucune n'est répétitive. Nous avançons continuellement vers l'inconnu total qui ne nous sera révélé que lors de l'ultime et épique épopée "Behind The Mountains" qui achève l'album par pas loin de 18 minutes éprouvantes. L'unité que demande ce type d'album est bel et bien là, Tekeli-Li ne peut s'écouter que d'un trait.

L'aventure commence donc par une narration sortie tout droit des Montagnes Hallucinées, histoire de planter le décors d'entrée (décors déjà particulièrement bien mis en évidence par la magnifique pochette de l'album  réalisée par Jeff Grimal également membre du groupe aux postes de chanteur et guitariste). Vient ensuite un "Antarctica" débutant tout en lourdeur et démontrant petit à petit toute l'étendue du talent torturé des musiciens. Déjà, un violent blizzard vous enveloppe avant qu'en milieu de parcours une partie instrumentale ne vous fasse contempler les étendues vierges et glacées de cette contrée lointaine, si belle et si dangereuse. Telle une bête tapie dans l'ombre, l'art des bordelais vous happe sans prévenir et vous entraîne toujours plus profondément vers une peur indicible.
"The Elder Things" nous mène à la rencontre de cette fameuse civilisation perdue. Bâtie sur les mêmes fondations que "Antarctica", cette composition n'en reste pas moins un prétexte à d'excellentes trouvailles. Nous en profiterons pour noter le remarquable travail de mixage, les couches de guitares se superposant de façon magistrale et grandiose et ce, sans étouffer une basse très présente.
La description qui ouvre "The Awakening" soutenue par une guitare stridente est un pas de plus vers l'horreur. Plus lourd, ce morceau est empli de désespoir à l'image de cet intermède en guitare clean, mélodie lancinante accompagnant le constat sans appel du narrateur. Cette lourdeur s'accompagne également d'une atmosphère pesante amenant un véritable sentiment d'oppression. L'étau se ressert irrémédiablement et il n'y a plus d'échappatoire. 
Si le morceau suivant, "The Ascend" est un instrumental, ce n'en est pas moins une pause, bien au contraire. La rapidité et la brutalité traduisent ici une urgence quasi palpable, toujours en adéquation avec le récit de cette malheureuse expédition.
Si le monstrueux "Behind The Mountains" qui clôture l'album démarre de façon beaucoup plus calme, ce n'est que pour mieux vous emporter vers les tréfonds abyssaux, enfouis sous les reliefs et dissimulant des secrets plus enfouis encore, des secrets qu'il n'aurait jamais fallu révéler. Les 18 minutes que contiennent ce titre forment assurément le point d'orgue de l'album, entre sauvagerie pure, atmosphères angoissantes et psychédélisme menaçant.

Tekeli-Li est une oeuvre incroyablement bien pensée qui méritera un bon nombre d'écoutes avant d'être entièrement assimilée. Chaque détail compte et contrairement à l'expédition de la Miskatonic University, il est plus que conseillé de se laisser submerger, au risque de se perdre à jamais dans le dédale montagneux antarctique. Un album monstrueux qui me fait d'ores et déjà attendre la prochaine réalisation d'un groupe appelé, je n'en doute pas, à exercer une influence indéniable sur la scène hexagonale (et pourquoi pas au-delà de nos frontières).

Highlights: "Antarctica" "Behind The Mountains"





Ce n'est qu'un détail mais pour les lecteurs potentiellement intéressés, un film sur la nouvelle de Lovecraft Les Montagnes Hallucinées est prévu pour 2017 avec Ron Perlman dans le rôle principal et Guillermo Del Toro à la réalisation. Voilà qui promet!





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